top of page

L'entretien d'embauche : terrain de discrimination lié au genre

  • Photo du rédacteur: Anthony Deléglise
    Anthony Deléglise
  • 15 juin 2017
  • 8 min de lecture

Cet article est un peu différent des autres : en effet, je vais essayer de le rédiger sous format plus écrit, parce qu'à la base, ce n'était pas le cas. Je m'explique : cette troisième année, en licence ICAS, j'ai choisi une option "Atelier de genre". Dans cette option, le professeur voulait se focaliser sur la problématique du genre, tout en spécifiant le problème dans un domaine particulier, ici le travail. On s'est donc intéressé - et oui, j'étais en binôme - à quelque chose dont tout le monde connait, ou connaitra dans sa vie professionnelle : l'entretien d'embauche.




C'est en se renseignant sur le Web, en visionnant des vidéos, et en observant des commentaires que nous avons pu établir un PowerPoint sur cette problématique. Premier gros constat de fait : le genre féminin est clairement discriminé par rapport au genre masculin. Et ce, sur trois gros aspect : l'âge, la possible fécondité, et l'apparence physique. Il existe d'autre critères de discrimination, mais nous avons décidé de nous pencher sur trois d'entre elles en particulier !


D'abord posons les bases, et définissons ce qu'est un entretien d'embauche : c'est un moment durant lequel le recruteur va poser des questions au candidat afin de valider l’adéquation entre celui-ci et le poste proposé, sous la forme d’entretien directif (forme la plus répandue). C’est à ce moment que le candidat met en avant son expérience, ses compétences et sa personnalité à travers la description de son parcours professionnel. Le recruteur évalue le candidat d’après ces derniers critères.

Il n’en reste pas moins que les questions posées peuvent dépasser du cadre professionnel… En quoi le dispositif de l’entretien d’embauche est-il un espace-temps dans lequel se manifestent des discriminations liées au genre ?


Le genre féminin pose encore problème


"Votre CV et vos stages, tout est parfait, vos résultats, mais il y a un problème. (Ah ? Lequel ?) Vous êtes une fille !’’ Mon premier entretien d’embauche, après mon diplôme d’ingénieur obtenu à 21 ans.


"Quoi qu'on dise, il y a des métiers pour les hommes et d'autres pour les femmes... C'est comme ça, c'est tout ’’, explique une DRH.


"Vous êtes une jeune femme, et pourtant vous vous intéressez à la défense et à la sécurité, pourquoi ?" Paris - consultant en défense et sécurité, lors d’un entretien d’embauche


" On n'a pas beaucoup de femmes commerciales parce que c'est un métier très difficile... Il n'y a rien d'acquis, et puis il y a des objectifs à atteindre... Les femmes ont peut-être plus besoin de sécurité...", martèle le directeur d'exploitation d'une petite entreprise.


Tous ces témoignages sont des témoignages vrais, issus d'entretien d'embauche, et dénoncés à travaux les réseaux sociaux. Ici, la différence établie lors d’un entretien se fonde sur les qualités intrinsèques du genre masculin et féminin. En effet, plusieurs enquêtes font ressortir que les recruteurs –souvent des hommes d’ailleurs – ont des stéréotypes en tête liés au genre de son postulant. D’après Dominique Épiphane, une sociologue, « le sexe est d'abord mentionné comme un critère secondaire, loin derrière les compétences ou l'expérience, mais au fil de la discussion il devient une composante intrinsèque de la personnalité ». Les recruteurs ont donc des idées arrêtées quant au genre de la personne, qui discrimine majoritairement. On peut ici parler de sexisme, dans le sens où la différence des genres peut légitimer la domination d'un sexe sur le sexe opposé, en supposant que la femme est de nature plus faible que l’homme suivant ses attributs (soi-disant) naturels, et s’appuyant sur des stéréotypes.


On peut distinguer 4 types de discriminations de genre :

- Les caractéristiques physiques : par exemple, les hommes sont forts et les femmes sont délicates

- Les rôles sociaux : par exemple, les femmes s'occupent des enfants pendant que les hommes gagnent un salaire

- Les centres d’intérêt : par exemple, les femmes aiment faire les magasins et les hommes aiment regarder des émissions de sport

- Les métiers/occupations : par exemple, les hommes sont des ingénieurs, des agents de change ou des mineurs alors que les femmes sont institutrices, infirmières ou femmes au foyer


Cette discrimination se manifeste ainsi à travers deux éléments :

- la rémunération : la femme est moins payée qu’un homme pour un même poste (19,5% de moins)

- la promotion professionnelle : on peut parler du plafond de verre, une expression pour désigner les barrières invisibles excluant les femmes des niveaux hiérarchiques les plus élevés. En effet, les femmes ont du mal à accéder à des postes de cadres, ou dirigeants.


On vient donc faire une distinction entre métier et sexe : certains domaines seraient réservés aux femmes et d’autres aux femmes. C’est par cette catégorisation que le simple fait d’être femme pose problème et suppose ne pas vouloir s’intéresser à certains secteurs d’activités, prédit pour les hommes qui supposent force et endurance.


Les femmes et la reproduction

Traduction : "Êtes-vous touchées par le syndrome prémenstruel ?"


Traduction : "Avez prévu d’avoir bientôt des enfants ?"


Ces images, issues d’une campagne de la société d'avocats Thomas Mansfield, basée au Royaume-Uni, qui a demandé à des diplômés issues de 20 universités différentes de raconter les pires questions entendues lors de leurs derniers entretiens d'embauche, montrent parfaitement tout l'enjeu du problème.


On entend souvent l’argument suivant : la femme représente un risque pour l’entreprise car elle peut tomber enceinte à tout moment, ce qui signifie pour un employeur une absence trop longue et la nécessité de la remplacer. De nombreuses femmes sont discriminées dans le monde du travail parce qu’elles tombent enceinte. On peut chercher à les licencier. Mais, elles peuvent également être discriminées à l’embauche parce qu’elles présentent le risque d’une grossesse future. Les craintes des employeurs sont alors nourries par les conséquences d’une naissance, qui sont les nouvelles charges familiales pour la femme et perte de disponibilité pour l’entreprise. Le témoignage de Béatrice, 36 ans, éducatrice spécialisée, discriminée en raison de sa grossesse appuie cette situation de façon concrète : "Je suis éducatrice spécialisée. J’ai été recrutée le 1er janvier 2005, pour travailler au foyer de l’enfance du conseil général. Je n’étais pas titulaire. (…) Je suis tombée enceinte en mars 2007, mon contrat se prolongeait jusqu’au 31 août. Mon employeur n’avait aucune raison de ne pas le renouveler car les besoins étaient toujours là, le nombre de jeunes accueillis au foyer n’avait pas diminué (…). Sans me prévenir, mon employeur ne l’a pas renouvelé (…). J’ai envoyé plusieurs courriers pour avoir une explication. C’est alors qu’il a commis une grosse erreur : il m’a écrit que j’étais physiquement inapte pour ce poste."


Clémence Levesque, chargée de mission « emploi privé » auprès du défenseur des droits, va appuyer ces faits en précisant « Plus de 80 % des répondants considèrent que c’est un inconvénient majeur. Cela illustre les préjugés qu’on retrouve chez les employeurs. Il y a une intériorisation du risque de discrimination par les femmes elles-mêmes. » En connaissance de cause, les femmes qui sont enceintes ou qui ont un désir d’enfant vont s’autocensurer en ne postulant pas à une offre d’emploi, et qui peut être une des raisons pour laquelle les femmes n’arrivent pas à accéder à des postes de haute responsabilité.

La loi a beau exister, la discrimination est visible à travers plusieurs méthodes comme le non-renouvellement de CDD, la rupture de la période d'essai, des promotions refusées, un poste non retrouvé au retour du congé maternité....


Le mieux, pour montrer cette discrimination, reste cette vidéo, plus que déconcertante :


L'apparence physique et la condition définie de la femme


Traduction : " Pourriez-vous porter plus de maquillage la prochaine fois ?"


La femme est discriminée par son genre dans le cadre de l’entretien d’embauche car elle est souvent considérée comme devant rester à la maison, à s’occuper du ménage, de la cuisine, des enfants et de son mari : c’est-à-dire toutes les tâches qui font partie du care. Ce terme, qui ne se traduit pas en français, évoque tout cet aspect "aide à la personne", avec une bienveillance, et une sollicitude qui seraient innées chez la femme, et qui la pousserait donc à s'occuper de toutes tâches ménagères, mais également de son mari.


Il y a toujours une forme d’assignation de la femme à la maternité, aux activités telles que la cuisine ou le ménage et toutes celles qui concernent la maison, à s’occuper des enfants et de son mari. Les femmes sont renvoyées à la construction hétérosexuelle du monde et à sa « normalité » sexuée. Ces aspects sont encore très présents dans les entretiens d’embauche car de nombreux témoignages expliquent que les tâches du care sont attribuées aux femmes : "On cherche une femme pour ce poste, car il faudra cleaner le bureau de temps en temps, et proposer des cafés aux techniciens. Et c’est une nana qui m’a lâchée ça…", témoignage trouvé sur Trumblr, d'après une personne anonyme (Paris).


D’autre part, les recruteurs accordent beaucoup d’importance à l’apparence. Le recruteur s’attend à recevoir une candidate qui doit être féminine mais il ne faut pas que la candidate soit trop exubérante, sous peine d'être "trop belle", et faire de l'ombre aux autres employées. De plus, la candidate est jugée sur sa beauté physique lors de l’entretien d’embauche. Par exemple, il y a de nombreux témoignages qui expliquent que l’apparence physique joue un rôle important lors de cette rencontre. Ex : "La prochaine fois… mettez une jupe. Je dis ça, c’est pour vous hein’’ Premier entretien d’embauche dans une grande entreprise. Le responsable RH consulte mon CV (bac+5), m’écoute expliquer mon expérience. Je suis jeune et me donne à fond pour le convaincre de mes compétences professionnelles. Au moment où je me lève pour partir, il ajoute ceci." Une femme qui est jugée jolie a donc plus de chance d’obtenir le poste qu’une femme qui sera jugée moins belle. Parmi les critères de cette beauté, il y a notamment la minceur : une femme mince sera beaucoup plus facilement embauchée qu’une femme plutôt ronde (essentiellement dans les métiers où la femme est en contact avec des clients ex : serveuse, vendeuse)


Quand l'âge devient un frein

Les femmes considérées comme jeune, c'est à dire entre 20 et 30 ans, et ayant la capacité d’avoir des enfants sont discriminées dans l’entretien d’embauche puisque, justement, elles sont à l’âge où avoir des enfants est possible. Cet aspect leur est souvent « reproché » dans ces entretiens comme nous avons pu l’expliquer précédemment.


Or avec l’âge, c'est à dire quand les femmes ne sont plus capables d’avoir des enfants, les discriminations ne s’arrêtent pas. En effet, de nouvelles discriminations se mettent en place dans les entretiens d’embauche. Par exemple, on peut reprocher aux femmes d’avoir pris une pause dans leur carrière professionnelle pour avoir élevé les enfants ou encore d’être plus âgée que leur supérieur. Dans la vidéo présentée ci-dessus, on retrouve cet aspect lorsque Margaux Gilquin témoigne que, lors d’un entretien, le recruteur lui a dit qu’il ne pourrait pas lui faire de remarques car elle a le même âge que sa mère. Également, on retrouve l’idée que l’apparence est primordiale : la femme se demande si elle est trop grosse, trop maigre, ou bien coiffée...


On retrouve toutes ces discriminations concernant la femme dans une enquête de l’OIT (Organisation Internationale du Travail), avec pour titre « Le physique de l’emploi : discriminations et apparence physique », datant du 15 février 2016.



On peut donc voir que l'âge est le facteur le plus handicapant, pour homme comme pour femme - il l'est encore plus pour la femme, car de manière générale, pour 89 % des interrogés, être âgé de plus de 55 ans pour une femme est un inconvénient. Le fait d'être enceinte suit de très près, puisque pour 89 % des interrogés, être enceinte représente également un inconvénient. Enfin, le simple fait d'être une femme fait figure dans ce tableau, et représente également un inconvénient... Il y a encore beaucoup de mentalités à changer.


La vidéo qui résume tout





 
 
 

Comments


  • Facebook Black Round
  • Instagram - Black Circle
  • Google+ Black Round
Ce site est encore en cours de construction.
N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires.
bottom of page