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Les rapports de pouvoir dans le film Kick Ass

  • Photo du rédacteur: Anthony Deléglise
    Anthony Deléglise
  • 14 juin 2017
  • 17 min de lecture

C'est le troisième travail que j'ai produit en lien avec les questions de genre, mais également de race, et de représentation. Ici, on s'intéresse au film Kick Ass, un film d'action produit en 2010, par Matthew Vaughn. Si jamais vous ne connaissez pas le film, ou alors que vous ne vous y êtes pas intéressés, voici le synopsis (d'après Allociné), histoire de mettre nos propos suivants dans leur contexte : "Dave Lizewski est un adolescent gavé de comics qui ne vit que pour ce monde de super-héros et d'incroyables aventures. Décidé à vivre son obsession jusque dans la réalité, il se choisit un nom – Kick-Ass – se fabrique lui-même un costume, et se lance dans une bataille effrénée contre le crime. Dans son délire, il n'a qu'un seul problème : Kick-Ass n'a pas le moindre superpouvoir... Le voilà pourchassé par toutes les brutes de la ville. Mais Kick-Ass s'associe bientôt à d'autres délirants copycats décidés eux aussi à faire régner la justice. Parmi eux, une enfant de 11 ans, Hit Girl et son père Big Daddy, mais aussi Red Mist. Le parrain de la mafia locale, Frank D'Amico, va leur donner l'occasion de montrer ce dont ils sont capables..."



Dans cette analyse, on va justement s'intéresser à ces fameuses "brutes de la ville", souvent jouées par des acteurs aux caractéristiques physiques propres, mais également à la place de la femme, et du héros, trop souvent joué par des acteurs blancs.

En voici la couleur :


A l’heure actuelle, où les super-héros de type Marvel ou DC Comics prennent place de plus en plus dans nos salles de cinéma – avec notamment le dernier «Batman VS Superman», « Deadpool » ou encore « Captain America », nous nous sommes penchés sur un des films qui marqua le début de cette expansion : « Kick-Ass », sorti en 2010. Issu d’une série de bandes dessinées du même nom, crées en 2008 aux États-Unis par le scénariste Mark Millar et le dessinateur John Romita Jr, l’œuvre se verra ensuite adaptée au cinéma, écrite, produite et réalisée par Matthew Vaughn.

Contrairement aux autres films mettant en scène des super-héros, ce film nous a semblé intéressant à analyser car celui-ci présente le personnage principal non pas comme un super-héros en tant que tel, mais plutôt comme un héros de la vie, que tout le monde peut être un jour, avec juste pour armes un certain courage et de l’audace, et qui ne dispose d’aucune aptitude physique particulière. Pourtant, ce n’est pas ce point qui nous intéresse le plus, mais bien les différentes représentations des groupes sociaux mis en scène dans cette œuvre.

C’est pourquoi, après une analyse poussée, nous verrons dans une première partie que l’homme blanc est surreprésenté, tandis que dans une deuxième partie, nous constaterons que le rôle de la femme est pratiquement omis, et sous-représenté ; enfin, nous observerons dans une troisième partie une inégalité de représentation envers les différentes ethnies présentes dans le film.



Inégalité de représentation : L’homme blanc surreprésenté


Dans « Kick-Ass », l’homme blanc est surreprésenté par rapport à l’homme non-blanc. En effet, la majorité des personnages principaux du film sont des hommes blancs. De plus, tous les « héros » sont blancs – et sont victorieux à la fin du film, évidemment. Cependant, l’homme blanc est aussi associé à des rôles d’ennemis ou de personnage lâche ; comme nous l’expliquerons plus loin.


L’homme blanc pour représenter les héros


Dans ce film, comme nous l’avons expliqué ci-dessus, tous les héros sont blancs et très largement des hommes, hétérosexuels, et de classe moyenne voire supérieure. En effet, les personnages qui sont les héros du film sont Big Daddy, sa fille Hit Girl, et enfin Kick Ass. Sur les trois héros, deux sont donc des hommes blancs. Il est aussi intéressant de noter que l’héroïne (Hit Girl) a lien très fort avec un héros masculin (Big Daddy) ; cela en raison de leur lien de parenté (relation père/fille) et qu’ils sont toujours ensemble jusqu'à ce que le père meure.


Pour commencer, Dave alias Kick Ass, incarne le stéréotype du lycéen impopulaire, invisible, avec peu d’amis, sans copines, dans son monde (fan de BD) qui a une vie banale voire assez inintéressante qui va brusquement être bouleversée ; ce type de personnage est assez récurrent dans les films. Il va devenir Kick Ass en parallèle à sa vie de lycéen, et va devenir quelque de connu et aimé de tous. Grâce à son personnage, et surtout lorsqu’il incarne Kick Ass, l’homme blanc est représenté de façon positive. En effet, il montre que l’homme blanc incarne le bien, la justice et la lutte contre les inégalités/injustices qui peuvent exister. Ce personnage principal représente donc l’homme blanc tel un justicier. De plus, Dave alias Kick Ass est lycéen, il est donc assez jeune. Par conséquent, il incarne la jeunesse qui veut « changer les choses » et « rendre le monde meilleur », comme beaucoup de super-héros dans les films.


D’autre part, Big Daddy est lui aussi un des personnages masculins blancs principaux du film. Big Daddy est plus âgé que Kick Ass : il doit avoir la quarantaine et s’occupe de sa fille Mindy. Ce personnage représente l’homme blanc en tant que personnage rassurant, protecteur (scènes avec sa fille Mindy). Il montre aussi des qualités jugées « positives » telles que la persévérance. En effet, il a été emprisonné suite à une machination de la part de Franck. (Rappel : Big Daddy était policier et a refusé de « faire la taupe » pour Franck et de fermer les yeux sur ses affaires illégales. Suite à cela, Franck s’est arrangé pour qu’il aille en prison grâce à une mise en scène. C’est en prison qu’il est devenu Big Daddy, en s’entraînant pour devenir un justicier dans le but d’arrêter Franck et de se venger).


Kick Ass et Big Daddy sont tous les deux des personnages masculins blancs qui ont des rôles d’héros, de justiciers, de Robin des Bois modernes. Bien qu’ils utilisent parfois la violence, leur but est de défendre le plus faible et d’arrêter les « méchants ».


L’homme blanc représente aussi des personnages aux attitudes négatives


Dans le film, l’homme blanc incarne aussi des personnages ayant des comportements douteux voire illégaux.

Tout d’abord, dans le film, l’homme blanc représente aussi des « caïds » dans deux scènes. D’une part, il y a la scène dans laquelle un gang d’hommes blancs pourchasse dans la rue un autre homme blanc. Dans le même ordre d’idée, il y également les scènes dans lesquelles Dave se retrouve face à face avec deux petits délinquants (l’un est non blanc, par contre l’autre est blanc). Ainsi, l’homme blanc est aussi associé aux comportements que l’on ne tolère pas dans société. Cependant, contrairement à l’homme blanc héros, l’homme blanc dont il est question actuellement fait plutôt partie des classes populaires voire défavorisées (tatouages, gangs, délits comme par exemple vols, rackets etc.).

De plus, l’homme blanc des classes populaires est aussi incarné par l’homme blanc qui assiste au racket de Dave et de ses amis par les délinquants (les mêmes que ci-dessus). En effet, l’homme regarde par la fenêtre et voit que les délinquants rackettent Dave et ses amis. Cependant quand les délinquants se rendent compte que l’homme regarde à sa fenêtre scène, celui-ci ferme son rideau et ne fait absolument rien pour aider Dave et ses amis. L’homme blanc est donc ici associé à la lâcheté, la faiblesse, l’inaction (par opposition à l’homme blanc de la partie I).


D’autre part, l’homme blanc est aussi associé à l’ennemi : c’est le cas de Franck, l’ennemi principal de Big Daddy et Hit Girl puis celui de Kick Ass. Avec le personnage de Franck, l’homme blanc incarne aussi l’ennemi. Cependant, dans la hiérarchie de son clan, érigé sous forme d’entreprise, il est au sommet ; en effet, Franck est le chef tout-puissant de son organisation. Il donne les ordres, il a des dizaines d’hommes (la plupart, blancs) à ses ordres qui font «le sale boulot » pour lui (torturer pendant les interrogatoires, tuer, trafiquer etc.) Même si l’homme blanc est associé à l’ennemi, celui n’a pas un rôle de subordonné : il occupe la première place et donne les ordres sans se mettre en danger. C’est lui qui a, une fois de plus, le pouvoir.


Bien que l’homme blanc soit également associé à des rôles de voyous, ces rôles sont affiliés à des représentations qui existent dans beaucoup d’autres films. En effet, l’homme blanc est dans la plupart des cas le héros. Cependant, l’homme blanc est aussi le délinquant issu d’un milieu défavorisé et faisant partie d’un gang, l’homme naïf et lâche des classes populaires qui ferment les yeux face à une situation, ou même le chef d’une organisation illégale très puissante.

Il y a donc deux représentations de l’homme blanc : une positive et une négative. Cependant, globalement, la représentation de l’homme blanc est positive dans ce film étant donné que les rôles de héros sont pour lui et que les rôles de « mauvais » homme blanc sont peu présents (quantité, importance dans le récit).



Inégalité de genre : la femme sous représentée


Dans ce film, il y a peu de personnages féminins et encore moins de personnages féminins avec de l’importance. Nous avons recensé quatre personnages féminins qui parlent dans le film, avec deux qui ont un rôle important et deux qui sont juste des personnages de seconde zone.


Un rôle féminin important


Dans Kick Ass, nous avons remarqué qu’une seule fille a un rôle important, un rôle principal. Il s’agit de Mindy alias Hit Girl.

Tout d’abord, le personnage féminin le plus important du film est Mindy alias Hit Girl. Certes Hit Girl est une fille mais c’est une fille type « garçon manqué ». En effet, elle passe le plus clair de son temps avec son père à s’entraîner avec son père (exemple : scène où il lui tire des balles sur un terrain vague), à se battre contre des ennemis (exemple : la scène où elle tue tout le monde dans l’appartement de Rizou ou la bataille finale chez Franck) ou encore à rester avec des armes (exemple : les scènes dans sa maison dans la pièce avec des armes partout accrochées au mur).

Le dialogue suivant entre Mindy et son père est assez représentatif de la personnalité « garçon manqué » de Mindy qui s’oppose aux représentations collectives de la petite fille de 11 ans. La scène se passe dans un bowling, les deux personnages sont en train de manger une glace.

Le père demande à sa fille ce qu’elle veut pour son anniversaire :


« Le père : Alors as-tu réfléchi à ce que tu voulais pour ton anniversaire ?

Mindy : Un chiot j’aimerai bien (visage surpris et plein d’incompréhension du père)

Son père : [silence + hésitation] Tu voudrais un chien ?

Mindy : Ouais un gentil chien tout doux. Et une petite poupée Bratz ce serait chouette aussi (blanc + rires suite à la tête paniquée du père). T’en fais pas j’me fous de ta gueule, j’voudrais un couteau papillon modèle 42.

Son père : Aaah [soulagement] oh toi t’as le don de me mettre K-O. Tu sais quoi ?

Mindy : Quoi ?

Son père : Je vais t’en acheter deux ! »

Ainsi le personnage féminin principal ne répond pas aux représentations collectives de la jeune fille puisqu’elle demande des armes pour son anniversaire. Dans les représentations collectives, on s’attendrait plutôt à ce que la jeune fille demande un chiot et des poupées comme le fait Mindy pour faire peur à son père.

Nous pouvons donc souligner qu’un des rôles principaux est celui d’une fille MAIS il est important de souligner que dans les représentations collectives, cette fille est plutôt catégorisé « garçon manqué » (plutôt que jeune fille « girly »)


Les rôles féminins de second plan


Il y a dans ce film d’autres rôles féminins : les lycéennes Katia et son amie, la femme de Franck, mais aussi la femme présente dans un des clans qui servent d’intermédiaires pour la vente de drogues. Ces différents profils de personnages répondent à d’autres visions catégorielles de la femme.


Tout d’abord, les deux lycéennes (Katia et son amie qui n’a pas de prénom d’ailleurs) répondent plus aux représentations attendues pour des jeunes filles que Mindy. En effet, bien que Katia soit plus importante dans le récit que son amie (rôle, présence et dialogue), les deux personnages sont construits de la même façon. En effet, ces deux adolescentes répondent beaucoup plus aux représentations attendues pour des filles de cet âge (en comparaison à Mindy). En effet, les deux lycéennes s’intéressent à des choses qualifiées « de filles » (maquillage, autobronzant, coiffure, garçons, décorations des chambres de couleur rose). Elles ont donc des rôles secondaires qui « servent » au récit et plus particulièrement à Dave. En effet, Katia devient sa petite amie, ce qui constitue son intérêt principal dans le film.


D’autre part, il y a également le personnage de la femme soumise à son mari, un peu potiche, qui n’a pas beaucoup d’importance dans le récit – on l’aperçoit deux fois dans le film, une fois où elle parle, l’autre où elle se contente d’être aux côtés de son mari sans parler - mais qui montre bien les rapports de pouvoir homme/femme. En effet, la femme de Franck représente ce type de personnage. Dans la scène où Franck déjeune chez lui, il y a également son fils et sa femme. Quand le bras droit de Franck arrive pour l’avertir d’un souci avec ses affaires douteuses, Franck quitte la pièce sans grande explication à sa femme qui lui répond une phrase banale du type « Bien sûr, chéri ». Ce personnage féminin représente donc la femme au foyer soumise à son mari, qui n’a pas d’indépendance et qui ferme les yeux sur les affaires de son mari. Cela souligne également le peu d’importance qu’elle représente dans le film.


Finalement, le troisième cas de représentation de la femme est celle de la femme sexuée, réduite à un symbole et objet sexuel. Celle-ci est représentée par la seule femme présente dans l’immeuble où siège un clan de vendeurs de drogues, sous les ordres de Franck d’Amico – à partir de 37 :15. Elle est légèrement vêtue – on voit beaucoup son dos, et ses jambes, habillée avec une robe moulante rouge et des bottes de cuir rouge, de façon peu élégante et criarde. Elle se présente comme telle, en mâchant du chewing-gum, lorsque Dave demande qui est Razoul : « C’est moi Razoul ! T’as qu’à r’garder ma belle paire de nichons ! ». S’ensuit un gros plan sur ces derniers lorsque ladite Razoul se met à se les caresser. La suite de la scène continue de la filmer en train de se pavaner, lancer des regards obscènes et avoir des postures lascives. On peut associer à un autre personnage - tout aussi peu important dans le film : celui du professeur de français, présentée comme une MILF dans les pensées perverses du personnage principal, à 03 :30. Elle déclare « Dave Lizewski, tu crois que j’l’ignore que tu regardes mes seins, Dave ! Aaaah, allez, caresse-moi Dave, allez, viens ». On retrouve ces poses lascives et ce regard aguicheur, tandis que la professeure se met à retirer son soutien-gorge.


Les personnages féminins de second plan sont des représentations de la femme qu’il est possible de retrouver dans de nombreux films et qui en soit n’ont pas de grande importance dans le déroulement de l’action, du récit. Leur rôle principal est de servir le héros ou l’un des personnages principal du film, ou bien d’être présente pour afficher un côté sexuel – qu’on doit obligatoirement retrouver dans des films machistes car il faut un « quota à respecter » pour un certain public , car d’après Molly HASKELL « Le cinéma a riposté en changeant d'orientation et en décidant de s'adresser essentiellement aux jeunes et au public masculin, qui sont alors devenus la catégorie de spectateurs la plus importante. » Elle explique le phénomène de sexualisation de la femme par la « glorification de la puissance masculine et du "machisme" (…) : "Le cinéma assimile généralement la libération de la femme à sa dépravation. La frustration sexuelle est présentée comme la principale source des malheurs des femmes, mais l'importance accordée à l'orgasme en tant que forme suprême et unique de satisfaction exprime un point de vue masculin. Outre qu'il fait une grande place aux thèmes sexuels et qu'il a une orientation masculine, le cinéma privilégie les jeunes. »


Joan MELLEN, autre auteure à ne pas avoir examiné la production cinématographique décennie par décennie, mais plus par comparaison avec ce qu’étaient les personnages dans les films du passé souligne que « Le cinéma moderne ne met généralement pas en scène de femmes indépendantes et fortes ». Ainsi, elle en ressort qu’il existe « deux images de la femme dominant dans le cinéma contemporain : la femme au foyer, protégée et asexuée, ou la femme sexuellement libérée » en précisant que « l'image de la ménagère effacée cède de plus en plus le pas à celle de la femme trop libérée ».


Application du test de Bechdel


« Le test de Bechdel, ou test de Bechdel-Wallace, est un test qui vise à démontrer par l'absurde à quel point certains films, livres et autres œuvres scénarisées sont centrés sur le genre masculin des personnages.

Une œuvre réussit le test si les trois affirmations suivantes sont vraies :

  1. L’œuvre a deux femmes identifiables (elles portent un nom) ;

  2. Elles parlent ensemble ;

  3. Elles parlent d'autre chose que d'un personnage masculin.

Le test de Bechdel a trois niveaux. Il est possible de donner un point par niveau pour noter les œuvres. Pour réussir ce test, il faut obtenir les trois points. Le test est une grille de lecture factuelle et ne juge pas de la qualité artistique. Son but est de montrer la grande quantité de films et autres œuvres qui ne réussissent pas à valider ces trois affirmations. »


Si on applique le test de Bechdel au film Kick Ass, il est facile de se rendre compte qu’il ne le valide pas. En effet, dans Kick Ass, il y a bien deux personnages féminins identifiables par leur prénom (Hit Girl et Katie). Cependant, ces deux personnages ne se parlent à aucun moment du film, il n’y a aucune scène en commun pour ces personnages. Par conséquent, elles ne peuvent pas se parler. Ainsi, le test de Bechdel ne se valide pas pour Kick Ass car seulement une condition sur trois est respectée. Kick Ass est par conséquent un film de plus dans lequel le « genre masculin » est privilégié et donc le « genre féminin » est lui mis au second plan.



Inégalité de race : les minorités ethniques dévalorisées


Des rôles prédéfinis


Globalement, après avoir étudié chaque individu, leur rôle et leur importance dans le film « Kick-Ass », un constat a été de suite clairement identifiable : bien qu’il y ait une diversité ethnique présente, les personnages non-blancs ont des rôles, pour le moins, réducteurs et caricaturaux. Nous allons donc voir les différentes façons que l’œuvre présente ces minorités ethniques.

Tout d’abord, le premier personnage noir apparaissant – à 06 :44 – tient comme rôle garde du corps, et supérieur hiérarchique d’un autre personnage principal, Chris d’Amico. Bien que le personnage ait une allure prestigieuse et présentable – il est habillé élégamment en costume, et sort d’une limousine, il adopte un langage très familier « Fous l’camp ! ». En plus d’être attaché à un rôle cliché, un rôle secondaire, souvent relié à la communauté noire, le personnage se fait déjà passer pour le « méchant » : alors que Dave, le personnage principal, souhaite devenir ami avec Chris, le garde du corps vient s’interposer de manière abrupte, accru par le physique imposant du personnage et son regard sévère qui effraie Dave et ses amis. Pour autant, c’est l’un des seuls personnages non-blancs qui persistera tout le long du film, bien qu’il conserve cette image néfaste d’homme violent, voire meurtrier.

Une autre façon de présenter le personnage non-blanc, et qui est marqué de façon assez récurrente dans le film, est celui du « gangster ». En effet, juste après cette première scène décrite, à 08 :00, Dave et un de ses amis s’en vont et tombent sur deux personnes qui les accostent. Aperçus dans des quartiers qui semblent sensibles, le premier homme qui parle est un homme non-blanc, vêtu d’habits très amples, d’une casquette en travers et d’une chaîne autour du cou, tandis que l’autre homme est un homme blanc arbore des tatouages, et également une chaîne autour du cou – profil-type de la « racaille de cité ». Pour parfaire ce profil, ils sont associés à l’extorsion d’argent, et biens matériels, utilisent l’intimidation, et la violence en bousculant Dave et son ami. De plus, l’homme non-blanc utilise des propos homophobes « Pédale ».

Un peu plus tard dans le film, à 16 : 00, Dave retrouve ces deux protagonistes, cette fois-ci, en plein braquage. Ceux-ci seront les premiers ennemis (non pas principaux) de Dave, devenu un super-héros ». Cette scène met ainsi en avant un autre vice lié aux personnes « de cité », souvent jugées dangereuses : le port d’armes blanches, que Dave subira de plein fouet.


Des personnages trop peu représentés


En plus d’être associés à des personnes peu recommandés, la communauté noire est représentée en groupe. C’est le cas lorsque Dave souhaite venir en aide à Katie, une fille dont il est tombé amoureux et se rend dans un appartement – dans un lotissement où les murs sont couverts de tags - et où se trouve le garçon qui l’importune, un dénommé Razoul. Le garçon en question est un personnage non-blanc, montré en train de jouer et fumer. Perçu comme le chef de la bande, il use de son autorité pour intimider Kick-Ass, et permettre à celui-ci d’être encerclé littéralement par d’autres hommes, tous des personnes noires. Une fois de plus, cette séquence permet de démontrer une image péjorative de cette communauté : on peut voir qu’ils ont recours à de la violence, utilise des armes blanches – et des bouteilles d’alcool, et ont le même code vestimentaire à savoir vêtements amples, et chaîne autour du cou et sont en lien directe avec la vente de cocaïne, organisée par Franck d’Amico, père de Chris et chef de vente de cocaïne.


Bien qu’ils aient une certaine importance dans le déroulement de l’histoire – en effet, ils permettent au personnage principal, Dave, alias Kick-Ass, de se forger une identité de super-héros en venant en aide à certaines personnes, les personnes qui interprètent ces rôles ont tout de même une fonction amoindrie comparé à leur homologues dans le film – les hommes blancs. En effet, on peut compléter cette constatation en comparant le temps d’apparition dans le film : ils sont présents que dans un court laps de temps, et meurent assez rapidement. C’est aussi ce qu’a remarqué Laure-Anne CARI dans son mémoire : « En effet, dès les années 1990, j’ai pu constater que, dans de nombreux films catastrophes, policiers, d’horreur, d’aventure ou d’action, des personnages noirs d’importances diverses étaient (les premiers) sacrifiés plus ou moins rapidement et presque systématiquement (Rambo, Rocky 2, Robocop, Predator, Terminator2, Jurassik Park, Scream 2, Peur bleue, Resident Evil...). Cela donnait l’impression que le personnage de couleur servait uniquement de chair à canon. Si bien qu’en voyant dans le casting de ce type de films des protagonistes noirs (hormis les rôles principaux), la conviction que ces derniers disparaîtraient avant le dénouement de l’histoire était acquise dès le début de la projection. Cette certitude était rarement démentie au final, laissant les personnages et héros blancs seuls survivants et vainqueurs des épreuves ».


De plus, pour beaucoup de ces personnages non-blancs, on ne connaît pas leur identité, leur nom n’est jamais mentionné. Une autre constatation a été intéressante à observer : même lorsque des hommes non-blancs sont représentés, mais de façon plutôt neutre, ils sont toujours liés aux histoires de meurtres ou d’otages et apparaissent que très brièvement : par exemple, le juge qui a condamné Big Daddy – à 49 : 53, le présentateur de télévision, un homme métis qui présente l’otage très violent de Dave, et son acolyte Big Daddy, à 1 :24 :46, ou encore la foule de piétons en émoi qui s’acclame devant la voiture de Chris, à 01 :00 :00. On pourrait y voir ici un rapport entre classe sociale et groupe social : les hommes blancs possèdent des biens matériels, tandis que les minorités ethniques y accèdent seulement par la contemplation.

Le seul personnage non-blanc, qui soit représenté de façon différente que celles précisées ci-dessus est Marcus. On voit voir cette différence car on connaît son identité, une partie de son histoire, et sa fonction – il est fonctionnaire de police. Il est présenté comme un homme sensé, aimant et protecteur. De plus, bien qu’il apparaisse tard dans le film, à 48 :50 pour la première fois, présenté comme le meilleur ami de Daddy, celui-ci voit son personnage évolué de façon positive : en effet, après la mort de son ami Daddy, il devient le tuteur légal de sa fille Mindy. On peut noter tout de même que son personnage n’apparait que durant quelques scènes seulement dans le film.


En conclusion, l’homme non-blanc, qui soit représenté de façon positive ou négative, a souvent un rôle secondaire, prédéfini (comme serveur, garde du corps, ou subalterne domestique) et invisible, ou a tout du moins une présence très peu marquée. Suite à la réalisation d’une étude en variant les ethnies des principaux personnages d’un même film, Andrew Weaver nous explique ce phénomène par une compatibilité du public : plus un film présente d’acteurs noirs, moins le public blanc se montre intéressé par ce film. D’un point de vue marketing, étant une minorité aux yeux des hommes blancs, les films présentant « trop » d’hommes noirs ne seraient pas rentables. Weaver préconise ainsi une « distributions de films interprétés par des comédiens de races différentes et surtout «marketés» de manière à toucher toutes les couches socioculturelles. »


Conclusion


En définitive, le film « Kick-Ass » est une production culturelle qui permet d’analyser et de décrire un certain nombre de rapport de pouvoir. En effet grâce à ce film, il est possible de s’intéresser aux rapports de pouvoir notamment liés au genre et à la race. Les rapports de genre sont très présents puisque la majorité des rôles sont distribués à des hommes (à l’exception de Mindy) et les quelques rôles féminins sont des représentations de la femme vues et revues, souvent présentés comme des stéréotypes et trop peu visibles. D’autre part, les rapports de race ne nous surprennent pas non plus dans la mesure où ils répondent au « schéma type ». En effet, dans la majorité des personnages de « Kick-Ass », les blancs représentent les héros et les non-blancs les voyous, les ennemis ; bien que certains personnages rares du film dérogent à cette « règle ». Ainsi, dans « Kick-Ass », comme dans de nombreux autres films, les rapports de pouvoir et les représentations de chaque « catégorie » (blanc, non blanc, femme, homme) restent figés et répondent encore trop aux stéréotypes qui existent dans le cinéma et autres productions culturelles, qui dépendent en grande partie des valeurs et des normes instaurés dans la société.



Bibliographie

  • HASKELL, Molly, « De la vénération au viol » (1974)

  • MELLEN, Joan « » (1973)

  • CARI, Laure-Anne, (2014)

  • WEAVER, J. Andrew, Journal of Communication (2011)

  • Site web Wikipédia, consulté le 10 Avril 2016 https://fr.wikipedia.org/wiki/Test_de_Bechdel




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